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La Légende de Saint-Coronus

En l’an de grâce 2019, un virus encore peu connu fait trembler l’humanité. Il voyage à la vitesse des avions à réaction et terrasse la population des régions les plus industrialisées de la planète. Son origine est inconnue, on tente de le comprendre, de lui donner un sens et de lui prêter parole. En quelques mois le virus prend force et vigueur au contact des humains, la maladie habite les corps et défie notre immunité collective. En réponse au désarroi ambiant un Saint humanoïde au nom et à la tête du virus voit le jour. Saint-Coronus est d’abord imploré pour protéger du virus, on lui voue un culte en mémoire et en hommage aux premières victimes, sacrifiées sur l’autel de la santé publique rationalisée. Peu à peu, Saint-Coronus est invoqué comme le Saint patron du « Frein d’Urgence » mais la jeune et déjà large communauté des coroniens rencontre ses premières divergences. Certains l’invoque pour freiner l’avalanche de chiffres et la vitesse de propagation et d’autres pour freiner une autre catastrophe, celle d’une civilisation à la déroute. Pour ces derniers il incarne une volonté divine qui veut mettre le holà, face à une autre croyance encore plus tenace : la croissance infinie et débridée. Tous s’accordent cependant sur une même représentation: une statue l’air sévère et bienveillant, la main tendue en avant, comme pour stopper un flux invisible. Autant craint que vénéré Saint-Coronus s’installe profondément dans le quotidien du monde dominant.

Après quelques mois de pandémie, l’envie de penser l’humanité dans un autre rapport au temps et au vivant s’émousse. Saint-Coronus ne présage plus un tournant sociétal mais symbolise l’inertie d’une civilisation en perte de sens. Le monde est soumis à une doctrine sanitaire de plus en plus autoritaire. Les joies de la vie quotidienne et sociale deviennent suspectes. La figure du Saint est prétexte à toutes sortes de décisions arbitraires. La lutte contre les inégalités et la précarité est sacrifiée sur l’autel de l’état d’urgence permanent, avec la répression et l’isolement en toile de fond. La maxime « C’est pour votre bien » qui lui est attribuée, masque de plus en plus de laissés pour comptes déjà marginalisés par le modèle dominant. Le culte voué à Saint-Coronus s’enorgueillit et la foi se mue en dictat. Les représentations de Saint-Coronus vont changer, on lui ajoute les attributs de la sécurité sanitaire et de la distance sociale. Désormais, le Saint n’incarne plus qu’un bastion d’arrêtés ministériels qui moralisent, banalisent, jugent les faits et gestes.

A l’aube de l’année 2021, les mythes et légendes au sujet de St-Coronus finissent par occulter les préceptes fondamentaux qui, jusqu’alors, régissaient le vivre ensemble. L’étouffement de la vie sociale est à son comble. Les inégalités, la précarité et l’isolement affichent une courbe de croissance exponentielle. Saint-coronus devient un instrument du pouvoir, les lois sont bafouées en son nom, le débat démocratique absent, l’état de droit prend des allures totalitaires. Les coroniens se sentent alors abandonnés, trompés par leur propre divinité. La nuit du 20 février 2021, ils ont décidé de faire acte d’apostasie: pour son zèle et ses injustices, Saint-Coronus sera brûlé.